Publié le 9 décembre 2020 Mis à jour le 9 décembre 2020
Très largement utilisé dans le traitement de certains cancers du sein, le tamoxifène agit sur les cellules cancéreuses en bloquant le récepteur des œstrogène (ER)α et en inhibant ainsi leur prolifération. L’action de ce médicament semble néanmoins plus complexe, avec en supplément des effets protecteurs sur les artères, ce qui pourrait diminuer le risque de maladies cardiovasculaires. Des chercheurs de l’Inserm et de l’université Toulouse III – Paul Sabatier à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC) se sont intéressés aux effets du tamoxifène sur les artères dans des modèles animaux afin de mieux comprendre son mode d’action et d’affiner son utilisation clinique. Leurs résultats sont publiés dans le journal Circulation Research.

Après un cancer du sein, les femmes sont plus à risque de développer des maladies cardiovasculaires. Plusieurs études ont confirmé cette association, soulignant des facteurs de risque communs aux deux types de pathologies, mais aussi la toxicité de certains traitements anticancéreux comme les chimiothérapies anti-cancéreuse sur le système cardiovasculaire. Des données expérimentales et cliniques suggèrent néanmoins que le tamoxifène, une hormonothérapie qui permet de réduire les risques de récidives de certains cancers du sein[1], aurait en même temps des effets protecteurs contre les maladies cardiovasculaires.

Dans les cellules cancéreuses, le tamoxifène agit comme un anti-œstrogène : sans supprimer la production de cette hormone, il prend sa place au niveau de leurs récepteurs (les récepteurs ERα), bloquant ainsi la prolifération de ces cellules. Toutefois, ce médicament ne se limite pas à bloquer les récepteurs des œstrogènes des cellules cancéreuses. En effet, dans d’autres types de cellules, il pourrait à l’inverse activer ces mêmes récepteurs, comme le font les œstrogènes.
 

Des mécanismes d’action différents

Dans leur étude, les chercheurs ont pu montrer que le tamoxifène accélérait la cicatrisation des artères en favorisant le renouvellement de la couche de cellules endothéliales qui protège les artères. Ils révèlent ainsi un nouvel effet bénéfique de ce médicament vis-à-vis du risque cardiovasculaire.

Pour expliquer cette nouvelle action bénéfique du tamoxifène, l’équipe montre que contrairement à son action bloquante sur les cellules cancéreuses, le tamoxifène mimerait l’action des œstrogènes au niveau des artères, ce qui entraînerait la cicatrisation artérielle. Cependant, les mécanismes cellulaires en jeu seraient différents.

Tandis que l’estradiol (l’œstrogène majoritaire) induit cet effet en activant directement les récepteurs des œstrogènes dans les cellules endothéliales des artères, les chercheurs montrent que le tamoxifène produit ce même effet sur les artères en activant lui aussi le récepteur des œstrogènes, mais dans un autre type de cellules (les cellules musculaires lisses sous-jacentes).

Ces travaux apportent donc une nouvelle compréhension de l’action du tamoxifène, montrant que cette molécule peut mimer l’action des œstrogènes en ciblant des fonctions différentes de leurs récepteurs dans des types cellulaires différents.

Ces résultats pourraient avoir plusieurs implications cliniques, notamment parce qu’ils permettent de mieux appréhender le spectre d’action de ce médicament très largement prescrit à des milliers de patientes en cancérologie. Ils devraient aussi susciter d’autres travaux sur cette molécule utilisée depuis 40 ans.

La vision que l’on a aujourd’hui du tamoxifène, c’est qu’il s’agit d’une hormonothérapie qui bloque les récepteurs présents sur les cellules cancéreuses, mais ceci n’est qu’une explication partielle de son action. Notre étude souligne que ce médicament mime les œstrogènes en ciblant des voies qui ne sont pas toujours celles qu’on anticipe. Nous avons mis en évidence un effet protecteur des artères en jouant de manière indirecte sur les cellules endothéliales, mais cette action pourrait aussi avoir des effets sur les cellules du système immunitaire, qui jouent un rôle clé dans la surveillance immunitaire des tumeurs, soulignent Jean-François Arnal, professeur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier, et Coralie Fontaine, chercheuse Inserm, qui ont coordonné ces travaux.

[1] Les cancers dits « hormonodépendants », pour lesquels les cellules cancéreuses expriment le récepteur des œstrogènes.

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