Publié le 22 septembre 2022 Mis à jour le 23 septembre 2022
Très répandu dans la population humaine et la plupart du temps inoffensif, le cytomégalovirus devient très dangereux pour le fœtus lorsqu’il est contracté durant une grossesse. Pourtant, les mécanismes de cette infection congénitale sont encore assez peu compris. Pour la première fois, des scientifiques de l’UT3 – Paul Sabatier, de l’Inserm et du CNRS à l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity), sous la responsabilité de Cécile Malnou, maître de conférences UT3, en collaboration avec plusieurs autres laboratoires français1, ont observé en détail un nouvel aspect de l'infection impliquant des médiateurs placentaires encore inexplorés : les vésicules extracellulaires. Leur étude est publiée dans la revue scientifique Viruses.

L'infection par le cytomégalovirus humain (hCMV) est un problème majeur pendant la grossesse, affectant 1% des naissances dans les pays occidentaux. Ce virus, présent chez environ 50% dans la population, est responsable d'infections le plus souvent bénignes, mais qui peuvent être dramatiques pour le fœtus lorsqu'il est contracté au cours de la grossesse. Malgré les nombreuses recherches menées jusqu'à présent, la physiopathologie de cette infection congénitale reste mal comprise.

Depuis quelques années, de plus en plus de travaux ont souligné le rôle clé tout au long de la grossesse de petites vésicules extracellulaires (sEV pour small extracellular vesicles) produites par le placenta. Ces vésicules sont synthétisées par quasiment tous les types cellulaires en conditions physiologiques et pathologiques et sont sécrétées dans le milieu extracellulaire, où elles peuvent voyager sur de très longues distances et être captées par d'autres cellules receveuses. Elles jouent notamment des rôles importants dans la communication intercellulaire en transportant des molécules variées.

La nouvelle étude publiée dans Viruses vient apporter un éclairage nouveau sur le cytomégalovirus humain. Pour la première fois, l’impact de son infection sur la composition protéique et sur la fonction des sEV a été examiné dans différents modèles placentaires humains.

« Nous avons observé que l'infection des cellules placentaires altérait la composition en protéines des sEV sécrétées, les orientant vers un potentiel phénotype proviral », détaille Cécile Malnou, co-cheffe d'équipe à Infinity et responsable du projet de recherche.

Des études fonctionnelles réalisées in vitro ont confirmé la capacité des sEV produites par les cellules placentaires infectées à faciliter une future infection de cellules fœtales receveuses naïves (c'est à dire des cellules n'ayant pas été en contact avec le hCMV auparavant). C’était particulièrement le cas des cellules souches neurales humaines. Autrement dit, une fois infectées par le cytomégalovirus, les cellules placentaires infectées, via la production des sEV, « préparent » le terrain pour faciliter la dissémination du virus.

L’étude suggère que les sEV placentaires sont des acteurs importants de la physiopathologie de l'infection congénitale par le hCMV, qui pourraient jouer un rôle dans la transmission materno-fœtale du virus. « Nous allons désormais tenter d’observer si nos résultats sont similaires in vivo, notamment avec des sEV issues de liquide amniotique », conclut Cécile Malnou, « s’ils sont corroborés, cela ouvrirait des possibilités inédites pour utiliser ces sEVs en tant qu’outils pour pronostiquer les conséquences de l’infection par le hCMV sur le fœtus en cours de grossesse ».


Référence :
Human cytomegalovirus modifies placental small extracellular vesicle composition to enhance infection of fetal neural cells in vitro, Mathilde Bergamelli, Hélène Martin, Yann Aubert, Jean-Michel Mansuy, Marlène Marcellin, Odile Burlet-Schiltz, Ilse Hurbain, Graça Raposo, Jacques Izopet, Thierry Fournier, Alexandra Benchoua, Mélinda Bénard, Marion Groussolles, Géraldine Cartron, Yann Tanguy Le Gac, Nathalie Moinard, Gisela D’Angelo, Cécile E. Malnou
Viruses (2022) - DOI : https://doi.org/10.3390/v14092030

 
1 : Les unités de recherche ayant contribué à cette étude sont : Infinity (UT3/INSERM/CNRS), l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (UT3/CNRS), l’unité Physiopathologie et pharmacotoxicologie placentaire humaine : microbiote pré et post natal (3PHM – UMR-S 1139 – INSERM), l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-STEM – Inserm/Université d’Evry/AFM-Téléthon/Université Paris-Saclay), le Centre d'épidémiologie et de recherche en santé des populations de Toulouse (CERPOP – UT3/INSERM), le laboratoire Développement embryonnaire, fertilité et environnement (DEFE – UT3/UM/INSERM). Ont également contribué le CHU de Toulouse avec le Laboratoire de virologie, le Service de néonatalogie et le Service de diagnostic prénatal, ainsi que l’Infrastructure nationale de protéomique, l’Institut Curie et l’Université Paris Cité.