Publié le 10 décembre 2020 Mis à jour le 14 décembre 2020
Financé par une prestigieuse bourse ERC Synergy grant en 2019, le projet SPHERES a officiellement démarré en septembre dernier pour une durée de 6 ans. Son objectif est de comprendre la dynamique et les conséquences de l’augmentation de la taille des cellules adipeuses en étudiant une partie de leur structure appelée gouttelette lipidique. Découvrez l’interview de Dominique Langin, professeur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier et futur directeur de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC), l’un des trois chercheurs porteurs du projet.

 
  • Le projet SPHERES, lauréat de l’appel ERC Synergy Grant, regroupe trois chercheurs principaux, vous même ainsi que Bruno Antonny, chercheur CNRS à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire à Nice et le Professeur Mikael Rydén de l’Institut Karolinska en Suède. Pouvez-vous nous raconter comment est née votre collaboration et pourquoi vous avez décidé de porter ce projet ensemble ?

Deux ans avant de candidater auprès de l’ERC, j'ai entamé des discussions avec le professeur Peter Arner et le professeur Mikael Rydén de l'Institut Karolinska de Stockholm. Nous avons envisagé plusieurs problématiques scientifiques en suspens dans le domaine de la biologie du tissu adipeux qui nécessiteraient une approche combinée de laboratoires aux compétences complémentaires. Parmi les différents sujets que nous avons examinés, un problème non résolu nous est apparue d'une grande pertinence clinique : plus les cellules graisseuses dans le tissu adipeux sont grandes, plus le risque de développer des maladies cardiométaboliques est élevés. Il faut savoir que la taille de la cellule adipeuse est déterminée par la croissance de la gouttelette lipidique, un sac cellulaire rempli de triglycérides riches en énergie. Les laboratoires de Stockholm et de Toulouse ont apporté leur expertise dans le domaine des modèles humains, animaux et cellulaires, mais nous manquions de compétences en biochimie et en biophysique. J'avais rencontré le Dr Bruno Antonny lors d'une conférence à Paris où il présentait les travaux pionniers de son laboratoire à Sophia-Antipolis sur les interactions lipide-protéine dans les membranes cellulaires. La grande gouttelette lipidique unique de la cellule adipeuse était pour lui une énigme et un défi fascinant.
 

  • Combien de collaborateurs et collaboratrices travailleront sur ce projet d'une durée de 6 ans et quel est leur profil ?
À Toulouse, Stockholm et Sophia-Antipolis, nous avons recherché les meilleurs expertes et experts qui nous aideront à aller au-delà des connaissances actuelles dans la recherche clinique translationnelle sur les tissus adipeux, les études métaboliques murines et la biochimie et biophysique des membranes lipidiques. Notre approche a consisté à créer des réseaux allant au-delà de nos propres laboratoires, à la fois dans nos villes d'origine mais aussi dans d'autres lieux comme Paris et Montpellier. Pour atteindre les objectifs de cette bourse ERC, les collaborateurs disposent d'un très large éventail de compétences, tant techniques que conceptuelles. Au total, une trentaine de scientifiques travaillent sur SPHERES. Ce nombre va augmenter avec le recrutement de doctorants et de post-doctorants ainsi que d'ingénieurs et de techniciens. Nous avons également engagé une cheffe de projet qui coordonne les aspects administratifs et financiers, en collaboration avec les chercheurs principaux et le personnel administratif de l’Institut Karolinska et du CNRS.

 
  • L'objectif de cette étude est de comprendre la dynamique et les conséquences de l’augmentation de la taille des cellules adipeuses en étudiant une partie de leur structure appelée gouttelette lipidique. Pouvez vous nous expliquer ce qu'est une gouttelette lipidique, à quoi elle sert et pourquoi vous en avez fait votre objet d'étude ?
Dans de nombreuses cellules de notre corps, les lipides sont stockés dans des structures spécialisées appelées gouttelettes lipidiques. La cellule adipeuse, également appelée adipocyte, est unique car c'est la cellule spécialisée dans le stockage de l'énergie sous forme de triglycérides, des lipides riches en énergie. Comparée à d'autres cellules, la cellule adipeuse possède une gouttelette lipidique unique de très grande taille. Alors que ces gouttelettes ont été étudiées dans différents types de cellules, on sait peu de choses sur la dynamique de la grosse gouttelette lipidique de la cellule adipeuse. Nous avons identifié trois problématiques fondamentales restées sans réponse. La structure de la surface composée de phospholipides et de protéines est décrite de manière imparfaite. Les déterminants de l'hypertrophie doivent être caractérisés. Enfin, les facteurs à l'origine des variations interindividuelles de la taille des gouttelettes lipidiques humaines doivent être identifiés.

 
  • Les bourses ERC Synergy Grant financent des projets de recherche pour relever les grands défis scientifiques de notre société : quel est le grand défi sociétal du projet SPHERES ?
Les maladies cardiométaboliques englobent un large éventail de troubles, par exemple le diabète, la dyslipidémie, la stéatose hépatique, les troubles cardiovasculaires,... dont la prévalence augmente dans le monde entier en même temps que le nombre croissant de personnes obèses et en surpoids. Nous postulons que le dysfonctionnement des tissus adipeux est un dénominateur commun de cet ensemble de troubles. Un facteur avéré des maladies cardiométaboliques est la taille des cellules adipeuses. Comme la taille est déterminée par la croissance et le rétrécissement de la gouttelette lipidique unique, nous avons proposé le projet SPHERES à l’ERC. Nous avons été déconcertés et ravis de franchir toutes les étapes rigoureuses de l'évaluation. SPHERES est un défi fantastique qui mobilisera nos énergies pendant les 6 prochaines années.


Voir l'article en anglais sur le site internet de l'ERC SPHERES.