Mardi 17 juin 2025, l’Université de Toulouse a remis le titre de docteur honoris causa à 3 personnalités scientifiques internationales. Créé en 1918, le titre de docteur honoris causa est l’une des plus prestigieuses distinctions décernées par les universités françaises pour honorer « des personnalités de nationalité étrangère en raison de services éminents rendus aux sciences, aux lettres ou aux arts, à la France ou à l’université ».
Odile Rauzy, Présidente de l’Université a remis les diplômes et les insignes de docteur honoris causa à trois personnalités :
M. Rod Bremner
Professeur de cancérologie
Lunenfeld Tanenbaum Research Institute - Canada
Présenté par M. Pierre CORDELIER,
Directeur de recherche Inserm, directeur du centre de recherches en cancérologie de Toulouse – CRCT (Inserm, CNRS, Université de Toulouse)
Originaire d’Écosse, Rod Bremner est une figure internationale de premier plan dans le domaine de la recherche en cancérologie, en particulier dans l’étude des mécanismes de régulation de la prolifération cellulaire, du cycle cellulaire et de l’épigénétique. Titulaire d’une thèse de science de l’Université de Glasgow, il est actuellement chercheur principal au sein du prestigieux Lunenfeld Tanenbaum Research Institute à Toronto, au Canada, et titulaire de la chaire Freiberg Cancer Research. Rod Bremner enseigne au sein du département d'ophtalmologie et des sciences de la vision de l'Université de Toronto.
Tout au long de sa carrière, Rod Bremner s’est illustré par une approche scientifique rigoureuse et originale, à l’interface entre la biologie fondamentale et la recherche translationnelle. Ses travaux ont notamment permis des avancées majeures dans la compréhension des mécanismes moléculaires gouvernant le développement des tumeurs intraoculaires (en particulier le rétinoblastome), ainsi que d’autres cancers agressifs.
Ses recherches sur le gène RB1 et ses partenaires régulateurs ont été pionnières et ont ouvert la voie à de nouvelles approches thérapeutiques. Très récemment, Rod Bremner a démontré que la durée du cycle cellulaire est un facteur clé dans la capacité des cellules à devenir cancéreuses.
Rod Bremner est auteur de plus d’une centaine de publications dans des ouvrages à comité de lecture, dont certaines parmi les plus prestigieuses au niveau international telles que Nature, Cancer Cell, Cell, PNAS, Sciences Advances, ou Nature Communications. Il a reçu de nombreuses distinctions, parmi lesquelles le « Donna Green Award for Restoring Sight ».
Professeure de chimie inorganique
Université de Leipzig - Allemagne
Présentée par Mme Anne-Marie CAMINADE,
Directrice de recherche CNRS Classe exceptionnelle, Professeure émérite
Evamarie Hey-Hawkins a été professeure de chimie inorganique à l’Université de Leipzig de 1993 à 2023. En tant que professeure émérite, elle a rejoint l’Institut de chimie bioanalytique (BBZ) de l’Université de Leipzig, en Allemagne.
Auparavant, elle a occupé des postes d’enseignante dans des universités en Angleterre, en Australie et en Allemagne, ainsi que divers postes de professeure invitée, y compris en France, et notamment à Toulouse en 2023.
Elle a publié plus de 630 articles scientifiques et donné plus de 400 conférences dans le monde entier. Elle a reçu de nombreuses récompenses, notamment le prix de l’International Union of Pure and Applied Chemistry (IUPAC) « Distinguished Woman in Chemistry », la médaille Nenitescu, et deux doctorats honorifiques. Elle est membre de l’académie européenne des sciences (EurASC) et de l’Académie européenne des sciences et des arts de Salzbourg. En 2021, elle a reçu l’un des plus prestigieux prix allemands, le prix Karl Ziegler.
Ses intérêts scientifiques portent sur la chimie des organophosphorés, des complexes hétérométalliques de métaux de transition, en particulier pour la catalyse homogène (N, P, As, O, S comme ligands donneurs, éventuellement chiraux et/ou fonctionnalisés), des réseaux organométalliques (MOFs), et des composés inorganiques biologiquement actifs (bore et métal), par exemple pour la thérapie par capture de neutrons par le bore (BNCT). Plus de 100 doctorants ont obtenu leur diplôme dans son groupe.
Elle est membre de comités de sélection de plusieurs fondations de recherche nationales et internationales et siège à plusieurs comités éditoriaux et consultatifs scientifiques internationaux. Elle est membre de la société allemande de chimie (GDCh) depuis 1983 et membre de la Royal Society of Chemistry (FRSC) depuis 1999, entre autres sociétés dont elle est membre.
Evamarie Hey-Hawkins est actuellement vice-présidente de la société allemande de thérapie par capture de neutrons par le bore, présidente de l’IUPAC/Comité central allemand de chimie (DZfCh) et cheffe de projet au département de chimie de l’Université Babeș Bolyai, à Cluj-Napoca, en Roumanie.
Professeure de biologie de la paroi cellulaire bactérienne Centre for Cellular and Molecular Biology - Inde
Présentée par M. Olivier NEYROLLES,
Directeur de recherche au CNRS, directeur de l’Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale – IPBS (CNRS, Université de Toulouse)
Manjula Reddy est une microbiologiste de renommée internationale, spécialiste de la biologie de la paroi cellulaire bactérienne. Elle occupe le poste de directrice scientifique au CSIR-Centre for Cellular and Molecular Biology (CCMB) à Hyderabad en Inde depuis 1990. Elle a obtenu son doctorat en sciences de la vie en 2002 après un master en biochimie à l’Université de Hyderabad.
Ses recherches portent principalement sur les mécanismes moléculaires de la synthèse et du remodelage du peptidoglycane (PG), un composant essentiel de la paroi cellulaire bactérienne. Son équipe a notamment identifié et caractérisé les « hydrolases créatrices d’espace », des enzymes qui clivent les liaisons peptidiques du PG afin de permettre l’incorporation de nouveaux fragments pendant la croissance bactérienne. Ces travaux pionniers ont montré que cette étape est un préalable indispensable à la synthèse de la paroi, bouleversant les modèles classiques de la morphogenèse cellulaire (Singh et al., 2012 ; Chodisetti & Reddy, 2019 ; Bahadur et al., 2021 ; Kaul et al., 2024). Elle a également mis en lumière un mécanisme de contrôle qualité assurant l’intégrité de la structure peptidique du PG, ainsi que la coordination fine entre la biosynthèse du PG, des lipopolysaccharides et des phospholipides.
Figure majeure du réseau international de recherche MIRA dédié à l’antibiorésistance, Manjula Reddy joue un rôle central dans cette initiative qui fédère plusieurs laboratoires toulousains et instituts de recherche indiens. Son implication renforce les liens scientifiques franco-indiens et illustre l'importance de la coopération internationale pour répondre aux enjeux globaux de santé publique liés à l’émergence de bactéries multirésistantes.
Ses contributions exceptionnelles ont été reconnues par de nombreuses distinctions, dont le Prix Infosys en sciences de la vie (2019), la JC Bose Fellowship (2023), ainsi que son élection au sein des trois principales académies scientifiques indiennes (INSA, IAS et NASI). Elle est également membre de plusieurs comités éditoriaux pour des revues prestigieuses. Par son expertise et ses découvertes, Manjula Reddy s’impose comme une référence mondiale dans l’étude de la biogenèse de l’enveloppe bactérienne et ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques face à l’antibiorésistance.