Publié le 20 octobre 2025 Mis à jour le 21 octobre 2025

Les observations du satellite européen Gaia permettent de réfuter une théorie alternative controversée et confortent la présence d’une composante invisible constituant l’essentiel de la masse de l’Univers : la matière noire. C’est ce que révèle une étude menée par Alain Blanchard, professeur à l’Université de Toulouse au sein de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP-OMP, CNES/CNRS/UT), parue dans Astronomy & Astrophysics le 15 octobre. Ces résultats, obtenus grâce à des mesures d’une précision inégalée, relancent la quête pour percer le mystère de cette matière insaisissable.

Depuis plusieurs décennies, la matière noire représente l'une des plus grandes énigmes de l'astrophysique moderne. Cette composante invisible constituerait environ 85 % de toute la matière de l'Univers, mais sa nature reste obstinément mystérieuse. Aucun instrument n'a encore réussi à la détecter directement. Face à cette impasse, certains scientifiques ont proposé des théories alternatives qui remettent en question notre compréhension de la gravitation elle-même.

Parmi ces approches, la théorie MOND (pour Modified newtonian dynamics, soit « dynamique newtonienne modifiée ») est la plus connue. Proposée dans les années 1980, elle part d'un constat : dans les régions les plus éloignées du centre des galaxies, les étoiles subissent une attraction gravitationnelle extrêmement faible. Elles sont donc soumises à de très faibles accélérations. La théorie MOND suggère que, dans ces conditions extrêmes, les lois de la gravitation de Newton ne s'appliqueraient plus telles quelles et devraient être modifiées. 
 

Cette idée semblait séduisante car elle permettait de reproduire les courbes de rotation observées dans de nombreuses galaxies, explique Alain Blanchard, professeur à l’Université de Toulouse au sein de l’IRAP. 


Ces courbes, qui décrivent la vitesse des étoiles en fonction de leur distance au centre galactique, restent généralement plates – c'est-à-dire que la vitesse demeure constante même très loin du centre – alors que la théorie newtonienne classique prédit une diminution. « MOND expliquerait cette particularité sans avoir besoin d'invoquer de la matière invisible. »

Grâce aux observations du satellite Gaia de l'Agence spatiale européenne, cette nouvelle étude révèle que la courbe de rotation de notre propre galaxie, la Voie lactée, présente une diminution progressive de la vitesse aux grandes distances du centre galactique. « Ce comportement change la donne », souligne Even Coquery, co-auteur de l’étude et étudiant stagiaire sous la direction d’Alain Blanchard.
 

Contrairement aux courbes plates observées dans d'autres galaxies, la Voie lactée montre une décroissance. Et c'est justement là que la théorie MOND ne fonctionne plus.


Les scientifiques ont comparé systématiquement les prédictions de différents modèles théoriques avec les données de Gaia. Le verdict est sans appel : un modèle incluant de la matière noire parvient à reproduire fidèlement la diminution observée, tandis que la théorie MOND n'y parvient pas. Même en ajustant les paramètres du modèle MOND de manière extrême – en attribuant par exemple des masses irréalistes à certaines composantes galactiques – la théorie reste incompatible avec les observations.

Plus problématique encore pour MOND : le paramètre fondamental de cette théorie, censé être une constante universelle valable pour toutes les galaxies, devrait prendre une valeur très différente pour la Voie lactée par rapport aux autres galaxies étudiées.

Ces résultats renforcent donc l'hypothèse de la matière noire comme explication la plus solide et cohérente de la structure et de la dynamique de notre galaxie. Pour autant, le mystère de sa nature exacte demeure entier, et les physiciens poursuivent leurs efforts pour l'identifier à travers des expériences de détection directe et de futures observations spatiales.
 
Références :
Cosmological implications of the Gaia Milky Way declining rotation curve
E. Coquery, A. Blanchard
Astronomy & Astrophysics, octobre 2025

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