Publié le 1 juillet 2025–Mis à jour le 1 juillet 2025
Au sein de notre oreille interne, le système vestibulaire joue un rôle essentiel. On lui doit par exemple notre sens de l’équilibre. Deux nouvelles études menées par le Centre de recherche cerveau et cognition (Cerco, CNRS/UT) et le CHU de Toulouse ont exploré la stimulation par de faibles courants électriques de cet organe. Leur objectif est de mieux comprendre les effets sur notre posture, notre perception des mouvements, ouvrant ainsi la voie à des applications cliniques prometteuses pour la réhabilitation des troubles de l’équilibre. Leurs deux articles ont été publiés dans Experimental brain research.
Les troubles de l'équilibre touchent des millions de personnes dans le monde, particulièrement les personnes âgées et les patients victimes d'AVC. Pour mieux comprendre les mécanismes qui régissent notre stabilité posturale et notre perception du mouvement, les scientifiques utilisent la stimulation galvanique vestibulaire (SGV). Cette technique consiste à appliquer de faibles courants électriques à travers la tête pour activer artificiellement le système vestibulaire, situé dans l'oreille interne.
Alexandra Séverac Cauquil, maîtresse de conférences en neurosciences à l’Université de Toulouse au sein du Cerco, et son équipe ont publié dans un premier article une revue qui fait la synthèse de cette méthode prometteuse. Bien que connue depuis plus d'un siècle, la SGV connaît aujourd'hui un regain d'intérêt grâce à ses nombreuses applications expérimentales et cliniques.
La technique fonctionne en plaçant deux électrodes sur la tête, généralement derrière les oreilles, au niveau des mastoïdes. Selon la configuration utilisée, la stimulation peut cibler différentes composantes du système vestibulaire. « Le montage le plus courant provoque un déséquilibre que le cerveau interprète comme une inclinaison latérale », détaille Alexandra Séverac Cauquil. Cette activation artificielle permet d'explorer finement les mécanismes centraux de l'équilibre et leur interaction avec les informations visuelles et proprioceptives.
Légende - Comment placer les électrodes ? Deux configurations classiques de stimulation galvanique vestibulaire.A. Montage binaural bipolaire : une électrode de chaque côté de la tête, derrière les oreilles.B. Montage monaural : une électrode derrière une oreille, l’autre sur le cou, le front ou l’avant-bras
Les effets de la SGV sont multiples. Au niveau postural, « la stimulation induit une inclinaison du corps dans la direction de l’électrode positive, et ce de manière reproductible », précise Alba Langlade, doctorante à l’Université de Toulouse au sein du même laboratoire. « Elle provoque également des mouvements oculaires caractéristiques dont l'amplitude et la direction varient selon les paramètres utilisés. La SGV peut également induire des illusions de déplacement intenses et cohérentes, donnant alors l'impression de bouger alors que la personne reste immobile. »
Grâce à l’IRM fonctionnelle, dans le deuxième article, l’équipe scientifique a pu identifier les régions corticales activées par la stimulation mimant un mouvement vers l’avant. « L'insula, le cortex pariétal postérieur et l'aire hMT+, des zones situées à l’arrière du cerveau, se révèlent particulièrement impliqués dans l'intégration multisensorielle et la perception du mouvement. L’aire du cortex visuel V6 montre une spécialisation dans le traitement du mouvement vers l’avant, caractéristique de la locomotion humaine », souligne Sarah Marchand, également doctorante à l’Université de Toulouse et première autrice des deux articles.
Légende - Comment les yeux réagissent à la stimulation galvanique ? A. Enregistrement des mouvements oculaires typiques (torsion, déplacement horizontal et vertical) chez 6 participants pendant une stimulation de 12 secondes, d’après Séverac Cauquil et al. (2003).B. Illustration des directions de ces mouvements selon la position de la cathode (à gauche ou à droite), en configuration binaurale bipolaire. Les couleurs indiquent les types de mouvement : torsion (rouge), horizontal (bleu), vertical (vert).
La SGV suscite également un intérêt croissant pour ses applications cliniques. Les stimulations dites noisy, consistant à appliquer un courant de fréquence aléatoire de très faible intensité, ont montré des effets positifs sur la stabilité posturale. « Ces approches pourraient être particulièrement bénéfiques pour les personnes âgées, les patients post-AVC ou souffrant de troubles vestibulaires chroniques », rajoute Quentin Legois, kinésithérapeute vestibulaire au CHU et également doctorant à l’Université de Toulouse.
Ces deux publications mettent en lumière le potentiel de la stimulation galvanique vestibulaire comme outil d'exploration des mécanismes sensoriels et moteurs du cerveau humain, en recherche fondamentale tout en ouvrant des perspectives prometteuses pour la recherche clinique et la réhabilitation des troubles de l'équilibre.
En septembre, la 3e semaine de l'équilibre et du vertige, donne rendez-vous pour sensibiliser la communauté universitaire à l’équilibre et ses désordres.
Références : A wide-ranging review of galvanic vestibular stimulation: from its genesis to basic science and clinical applications
Sarah Marchand, Alba Langlade, Quentin Legois, Alexandra Séverac Cauquil Experimental brain research, avril 2025
Visuo-vestibular integration for self-motion: human cortical area V6 prefers forward and congruent stimuli
Sarah Marchand, Marine Balcou, Philippine Picher, Maxime Rosito, Damien Mateo, Nathalie Vayssiere, Jean-Baptiste Durand, Alexandra Séverac Cauquil Experimental brain research, mai 2025