Publié le 28 avril 2025 Mis à jour le 22 mai 2025

Située au nord de l’Australie, la Nouvelle-Guinée compte parmi les régions les moins bien documentées biologiquement. Il est établi que l’île compte de nombreuses espèces de grenouilles mais il n’existe à ce jour aucune estimation précise. Une étude internationale menée par Flavien Ferreira, doctorant à l’Université de Toulouse au Centre de recherche sur la biodiversité et l’environnement (CRBE, CNRS/IRD/ToulouseINP/Université de Toulouse) révèle une diversité insoupçonnée de nouvelles espèces. Les résultats ont été publiés le 8 mai dans Frontiers of biogeography.

En biologie, les espèces sont des unités fondamentales pour la classification du vivant mais nos connaissances sur leur diversité et leur distribution spatiale restent limitées. C’est notamment le cas en Nouvelle-Guinée, avec ses 800 000 km² et sa cordillère qui traverse l’île, culminant jusqu’à 5 000 mètres d’altitude. Ses paysages abrupts et sa grande diversité d’habitats sont dépourvus d’infrastructures humaines, ce qui rend son exploration difficile. La région est réputée pour son immense diversité d’espèces animales et végétales, dont de nombreuses espèces d’amphibiens, vertébrés les plus menacés au monde par l’activité humaine et le dérèglement climatique. En Nouvelle-Guinée, les grenouilles y sont les seuls représentants.

Afin d’obtenir une estimation précise de la diversité des différentes espèces de grenouilles sur l’île, les scientifiques ont dans un premier temps compilé l’ensemble des données génétiques disponibles. Pour compléter leur échantillonnage, ils ont séquencé génétiquement 534 nouveaux spécimens collectés lors d’une expédition franco-indonésienne en 2014 dans des zones inexplorées.

Mais Flavien Ferreira et ses collaborateurs, notamment originaires d’Indonésie et d’Australie, sont allés plus loin. En combinant leurs analyses génétiques à des analyses d’enregistrements sonores faits sur le terrain, ils ont pu identifier 369 espèces de grenouilles - dont plus de la moitié (190) ne correspondrait à aucune espèce connue. Leur méthodologie, dite « intégrative », repose sur le fait que chez les grenouilles, chaque espèce possède non seulement un génome distinct mais aussi son propre chant.
 
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Légende - Quelques paysages de l'ouest de la Nouvelle-Guinée : chaîne de Lengguru, forêt de fougères arborescentes, Mont Pucak Jaya. Crédits : Jean-Marc Porte, William J. Baker, Mike Roberts.
 « Cette étude met en lumière l'importance de la Nouvelle-Guinée comme l’un des refuges de biodiversité pour les grenouilles parmi les plus importants du monde », estime Flavien Ferreira. « La plupart de ces nouvelles espèces sont de petite taille (en moyenne 3 cm) et ont des aires de distribution restreintes, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux perturbations humaines. »

Après avoir passé les données génétiques et bioacoustiques au peigne fin, l’étude constate que c’est essentiellement dans la moitié ouest de l’île qu’il y a les plus grosses lacunes d’échantillonnage. Or, de vastes territoires restent inexplorés, en particulier dans la partie occidentale de la chaîne montagneuse qui traverse la Nouvelle-Guinée. Ce serait dans cette vaste région que se concentreraient les espèces nouvelles à découvrir.
 
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Légende - Oreophryne Kumawa. Crédit : Antoine Fouquet.
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Légende - Oreophryne Roedeli. Crédit : Antoine Fouquet.
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Légende - Oreophryne Kaimana. Crédit : Antoine Fouquet.

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Légende - Xenorhina Lengguru. Crédit : Antoine Fouquet.

 

Avec nos résultats, nous estimons qu’il y aurait entre 800 et 1 200 espèces de grenouilles en Nouvelle-Guinée, dont environ 500 seraient encore inconnues ! Ce faisant, cette île aux allures de Jurassic Park serait la plus riche en espèces de grenouille du monde. Le même constat a été fait avec les plantes à fleurs, et nous n’avons pas fini d’être émerveillés par la biodiversité de cette région, ajoute le doctorant de l’Université de Toulouse, dirigé par Antoine Fouquet et Christophe Thébaud. Il est crucial de documenter et de protéger ces espèces rapidement. Les perturbations anthropiques sont encore relativement faibles dans la région mais l'urbanisation et le changement climatique représentent des menaces croissantes ici, comme partout dans le monde.

 
Référence :
Molecular and acoustic evidence for large-scale underestimation of frog species diversity on New Guinea 
Flavien Ferreira, Paul Oliver, Fred Kraus, Rainer Günther, Stephen Richards, Burhan Tjaturadi, Evy Arida, Amir Hamidy, Awal Riyanto, Wahyu Trilaksono, Christophe Thébaud, Antoine Fouquet
Frontiers of biogeography, mai 2025

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