Publié le 10 juillet 2025–Mis à jour le 10 juillet 2025
Comment est-ce que le trait de côte se déplace sous l’influence du climat ? Une étude, impliquant des scientifiques du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS-OMP, CNES/CNRS/IRD/UT), révèle trois modes distincts de réponse des plages face à la variabilité climatique le long de la côte ouest nord-américaine. Les résultats, publiés en juin dans Communications Earth and Environment, montrent que les phénomènes El Niño amplifient dramatiquement l'érosion hivernale dans le sud de la zone.
Le trait de côte, cette frontière mouvante entre terre et mer, ne cesse de se déplacer sous l'influence du climat. Une équipe internationale impliquant des scientifiques du LEGOS, du CNES, de l’université d’Etat de l’Oregon et l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis (USGS), lève le voile sur les mécanismes qui régissent l’évolution des côtes sableuses du Pacifique Nord.
« Sur les plages de sable, le trait de côte évolue notamment sous l'influence de processus naturels comme la dissipation de l'énergie des vagues, l'évolution du niveau de la mer ou encore l'apport de sédiments par les rivières », explique Marcan Graffin, doctorant à l’Université de Toulouse au sein du LEGOS, principal auteur de l’étude. Cependant, la réponse de ces littoraux aux variations climatiques demeurait relativement méconnue en dehors de sites d'observation très surveillés.
À partir des observations satellitaires optiques des missions Landsat et Sentinel-2, les scientifiques ont cartographié mois par mois la position du trait de côte de 1997 à 2022. Cette zone d'étude, qui s'étend du nord de l'état de Washington (États-Unis) au sud de la péninsule de Basse-Californie (Mexique), couvre la diversité des régimes océaniques des latitudes moyennes et se trouve fortement exposée au phénomène climatique El Niño Southern Oscillation (ENSO).
Légende - Photos de (à gauche) plage de Marina, CA, en été, présentant des conditions calmes de vagues; et (à droite) de Santa Cruz, CA, où la côte s’est fortement érodée après des tempêtes à l’hiver 2022-2023. Crédits : Sean Vitousek.
L'analyse révèle trois grands types de comportements :
Au nord de la zone d'étude, la variabilité saisonnière du trait de côte est principalement contrôlée par l'évolution de la puissance des vagues, générant de l'érosion en hiver et de l'accrétion en été.
En revanche, dans le sud de la Basse-Californie, l'évolution saisonnière du trait de côte dépend davantage de celle du niveau de la mer. En effet, l’évolution de la position du trait de côte sur cette région présente une corrélation faible avec la variabilité saisonnière de la puissance des vagues, suggérant que d'autres facteurs océanographiques dominent la dynamique côtière.
L'étude met également en évidence le rôle crucial des phénomènes El Niño dans l'amplification de l'érosion hivernale. À l'échelle interannuelle, les événements El Niño amplifient considérablement l'érosion hivernale, particulièrement dans la moitié sud de la zone d'étude. Ce phénomène s'explique par un déplacement vers le sud et une intensification des « stormtracks » (trajectoires de tempêtes), responsables d'une forte augmentation de la puissance des vagues d'hiver dans cette région. Les événements La Niña produisent l'effet inverse, mais de manière atténuée, montrant l'asymétrie des réponses climatiques sur l'évolution côtière.
Légende - Présentation de la zone d’étude avec (a) une carte définissant les différentes régions et (b-e) des graphiques d’évolution de la hauteur significative des vagues (Hs) et des anomalies du niveau de la mer (SLA) à 4 en-droits répartis le long de la zone d’étude. Les camemberts montrent la répartition des plages en tendance d’érosion (rouge) et d’accrétion (bleu) pour chaque région de la zone d’étude.
Ces résultats offrent une vision nouvelle de la dynamique côtière à l'échelle régionale et révèlent la complexité des interactions entre climat et géomorphologie littorale. En couplant les observations satellitaires avec les réanalyses de hauteurs, périodes et directions de vague (ERA5) et les données altimétriques de niveau d'eau (SSALTO/DUACS), l'équipe propose une approche innovante pour comprendre et anticiper l'évolution des côtes. Cette recherche s'inscrit dans un contexte où la compréhension des mécanismes d'érosion côtière devient cruciale face aux défis du changement climatique. Les résultats suggèrent que les stratégies de gestion côtière devront être adaptées aux spécificités régionales, tenant compte des différents modes de réponse identifiés selon la latitude.
Références : Waterline responses to climate forcing along the North American West Coast
Marcan Graffin, Rafael Almar, Erwin Bergsma, Julien Boucharel, Sean Vitousek, Mohsen Taherkhani and Peter Ruggiero Communications Earth & Environment, juin 2025