Publié le 24 février 2023 Mis à jour le 14 mars 2023
Icône incontournable de l’aire méditerranéenne, l’olivier symbolise à la fois un climat, un mode de vie et une cuisine. Bien qu’il soit l’une des espèces les mieux adaptées à ce climat, la hausse des températures due au changement climatique le fragilise et menace ses rendements, ce qui n’est pas sans conséquence économique pour le secteur de l’oléiculture. Des travaux menés par David Kaniewski, maître de conférences à l’université Toulouse III – Paul Sabatier au laboratoire TRACES1, et publiés dans Nature Plants, alarment sur les menaces qui planent au-dessus des oliviers dans les décennies à venir.

Avec la parution du 6e rapport d’évaluation du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le bassin méditerranéen est désormais considéré comme un hotspot du changement climatique. Autrement dit, cette vaste région connaîtra des températures 20% plus chaudes que la moyenne. Or, cela n’est pas sans soulever une question cruciale pour la culture de l’olivier : quelle est sa vulnérabilité face au changement climatique ?

Afin de quantifier l’impact de ces nouvelles pressions sur l’oléiculture, une équipe internationale de chercheurs a reconstitué le passé de l’olivier à partir d’analyses du pollen issu de carottes terrestres extraites dans la ville de Tyr, au Liban. Cette méthode a permis de reconstruire les tendances de floraison et de fructification de l’olivier pendant 5 400 ans au Levant. En parallèle, les données climatiques ont également été reconstruites pour cette même ville afin de pouvoir confronter variations de températures et de précipitations avec l’évolution de l’oléiculture. Cette approche « fossile » a été couplée avec des données instrumentales sur l’olivier et le climat à l’échelle de la Méditerranée, permettant le développement d’un modèle prédictif basé sur une longue durée.

Cette modélisation a permis d’établir un lien fort entre le climat et la floraison des oliviers. En y ajoutant le scénario de développement durable (SSP1-2.6) projeté par le GIEC, où la hausse des températures se stabiliserait à 1,8° à la fin du siècle, le modèle peut alors identifier les points critiques qui mettront en danger la production d’olives au Liban.
 

L’étude révèle qu’une température moyenne annuelle de 16,9° (± 0,3°) est optimale pour la floraison et la fructification de l’espèce en Méditerranée. Or, les anomalies de températures dans ce scénario du GIEC risquent d’être de l’ordre d’une augmentation de 2,3° dans l’aire méditerranéenne, soit une température au-delà de l’optimale. Bien que l’olivier soit assez résistant, sa floraison et fructification restent néanmoins sensibles à une augmentation des températures et à une diminution des précipitations : un printemps trop sec entraîne une plus faible floraison de l’arbre, qui produira en retour moins d’olives et donc moins d’huile, ce qui aura un impact économique majeur. « Il faudra probablement utiliser des cultivars différents, plus adaptés à la sécheresse, mais qui n’auront potentiellement pas les mêmes rendements ou la même qualité gustative au niveau de la production d’huile », précise David Kaniewski. « Il y aura donc un avant et un après. Et celui-ci sera forcément différent. On ne pourra pas remplacer l’huile d’olive, donc il faudra malheureusement déplacer l’oléiculture vers de nouveaux territoires. On va donc probablement assister à une ‘migration’ des oliveraies. »

Ces travaux ont permis d’identifier les régions libanaises où l’oléiculture est déjà actuellement sous stress climatique, celles qui seront fortement impactées négativement dans un futur proche et celles qui sont aujourd’hui peu favorables à l’oléiculture mais qui le deviendront sous l’effet du changement climatique.

Dans ce contexte, de nouveaux défis environnementaux vont apparaître ou se renforcer. Ils vont à la fois fragiliser et menacer les espaces oléicoles, entraînant une perte de productivité ainsi qu’une altération de la qualité des fruits et des huiles. Le tout dans des régions dont l’activité économique dépend en grande partie de cette culture. Le modèle développé peut désormais être projeté sur l’ensemble des pays du bassin méditerranéen, notamment pour les grands pays oléicoles tels que l’Espagne, l’Italie, la Grèce ou la France. Cette étude va se poursuivre en France, en Occitanie, mais également dans les Bouches-du-Rhône et le Var ainsi qu’en Espagne, en Andalousie, afin de quantifier le futur de l’olivier en Méditerranée occidentale.

 
1 : laboratoire Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES – CNRS/UT2J/Ministère de la Culture)
 
En plus du laboratoire TRACES, les autres unités toulousaines impliquées dans l’étude sont le laboratoire Evolution et diversité biologique (EDB – CNRS/IRD/UT3) et le Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (LEFE – CNRS/Toulouse INP/UT3).