Publié le 2 septembre 2025 Mis à jour le 2 septembre 2025

Après un cancer de la bouche ou de la gorge, les patients présentent souvent des difficultés à articuler les sons et à communiquer efficacement. Si l’articulation de la parole a fait l’objet de multiples recherches, la communication fonctionnelle – comment transmettre efficacement un message – reste encore peu étudiée. Une équipe de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT, CNRS/Toulouse INP/UT Capitole/UT2J/Université de Toulouse) propose un nouveau modèle, notamment grâce à l’intelligence artificielle, afin d’ajuster la rééducation et la réadaptation des personnes en ciblant leurs besoins de communication concrets et quotidiens. Leurs résultats ont été publiés en août dans la revue International journal of language and communication disorders.

Dans cette étude, 25 patientes et patients ont été enregistrés au cours d’un entretien avec un orthophoniste portant sur leurs capacités de parole et les conséquences du trouble sur leur quotidien dans des activités courantes, comme l’utilisation de leur téléphone ou le contact avec d’autres personnes lors d’achats. Ces enregistrements ont été traités à plusieurs niveaux. 

D’un côté, des analyses acoustiques ont été menées pour récupérer des informations relatives à la qualité de la voix ou à la forme acoustique des sons produits par leur parole. D’un autre côté, des systèmes de reconnaissance automatique de la parole, développés grâce à des techniques d’intelligence artificielle, ont été utilisés pour récupérer les séquences des sons produits par la parole et la transcription du contenu des entretiens.

« En plus de ces analyses, les sujets ont complété plusieurs questionnaires relatifs à leur propre vécu sur leurs difficultés à parler », détaille Mathieu Balaguer, maître de conférences en sciences de la rééducation et de la réadaptation à l’Université de Toulouse et co-auteur de l’étude. « Mais aussi sur les autres problématiques médicales auxquelles ils et elles sont confrontés, ainsi que sur leur qualité de vie globale et relative à la santé. » Ces réponses ont fait l’objet d’une analyse statistique pour aboutir à un score de communication issu du ressenti des patients.

Dans son étude, l’équipe scientifique montre que l’altération de la communication peut être prédite efficacement par des analyses acoustiques et automatiques, et ce, de façon plus précise que par un expert clinicien. En effet, ces analyses permettent d’accéder à des éléments du signal de parole qui ne sont pas directement récupérables par une oreille humaine. La prédiction de l’altération de communication est bonne quand un système de reconnaissance automatique de sons de la parole est utilisé. 

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Légende - A gauche : exemple de sortie du système de reconnaissance automatique de la parole permettant la reconnaissance des sons de la parole (en haut, ce que le sujet a dit, en bas, la séquences de sons reconnus par le système). A droite : environnement d'enregistrement des sujets de l'étude. Crédit : Mathieu Balaguer, CC-by-nc-sa.


Le nombre de consonnes occlusives reconnues par seconde par le système automatique (consonnes réalisées par une fermeture des organes de la parole comme /k/ ou /d/, contrairement à /f/ ou /s/), associé au nombre de consonnes sonantes comme /l/ ou /r/ reconnues par seconde donne une corrélation à 0,83 avec le score de communication. La prédiction est encore meilleure quand on associe à ces paramètres automatiques des informations relatives au handicap ressenti ou à la qualité de vie issues des questionnaires. 

En ajoutant au modèle précédent des données relatives à la satisfaction avec la fréquence et la qualité des échanges avec la famille proche, un score d’anxiété ou encore la sensation d’un handicap quotidien lié aux troubles de parole, la prédiction est encore meilleure, et dans tous les cas plus proche du score de communication que si un clinicien l’évaluait directement « à l’oreille ». 

L’analyse automatique permet donc de donner de nouvelles informations fiables sur les capacités de communication des personnes après un cancer de la bouche ou de la gorge. L’utilisation de ces nouvelles techniques d’analyse dans les bilans cliniques des médecins ou orthophonistes permettra de mieux ajuster la rééducation et la réadaptation des personnes en ciblant les besoins de communication concrets et quotidiens des personnes.
 
Références :
Prediction of Speech Impairment in Patients Treated for Oral or Oropharyngeal Cancer Using Automatic Speech Analysis
Mathieu Balaguer, Julien Pinquier, Jérôme Farinas, Virginie Woisard
International journal of language and communication disorders, août 2025

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