La collection minéralogie de Picot de Lapeyrouse

La collection de minéralogie de Picot de Lapeyrouse entre dans les collections de la faculté des Sciences en 1823. Elle est accompagnée d’un catalogue rédigé par Jean de Charpentier (fils), disciple du naturaliste toulousain. Grandissant à Freiberg en Saxe, il côtoie les grands noms de la minéralogie du début du XIXe siècle. Il choisit pour classer la collection de son mentor, la méthode d’Abraham Gottlob Werner, en prenant quelques libertés. Ainsi la collection était organisée en 3 classes : Terres et Pierres, Combustibles et Métaux. A l’intérieur de ces catégories, les minéraux sont rangés par genres (or, platine, mercure…). Pour une meilleur identification, les minéraux étaient accompagnés de cartes à jouer reconverties en "étiquettes". Au total, la collection comptait 2445 spécimens.

En 1850, Alexandre Leymerie indique dans une Notice sur le cabinet minéralogique et géologique de la Faculté des Sciences que la collection Lapeyrouse a été fondue avec le reste des minéraux de la Faculté des Sciences pour former trois grands ensembles: la collection  générale, la collection pyrénéennes et la collection des caractères.
Ce nouveau classement a eu pour conséquence de perdre des minéraux (vols, ou problèmes identifications). De plus sur le catalogue de la collection Lapeyrouse, Alexandre Leymerie indique qu'une centaine d'échantillons ont été échangés ou donnés à l'Abbé Chambon, Henri Travers (dessinateur du Muséum de Toulouse) et au professeur Nicolas Joly. Ce dernier reçut même une curiosité de la collection : une main de momie bitumée!
En 2022, il reste plus de 1600 spécimens dans la collection.

Picot de Lapeyrouse, n’est pas seulement un naturaliste qui reste dans son cabinet pour étudier, il est aussi un homme de terrain. Il a décidé et choisi d'explorer les Pyrénées, toutes les Pyrénées.  Il a fait entre 1763 et 1797, pas moins de vingt expéditions de durées variables allant d’une semaine à trois mois. Mais le réseau de correspondants et de collecteurs qu’il a patiemment construit, entretenu et animé, a été opérant jusqu’à la fin de sa vie en 1818. Son réseau n'est pas seulement local, on lui connait plus de 150 correspondants dans toute l'Europe. Sa collection contient donc des minéraux des principaux points d’intérêts minéralogiques européens.

Les Pyrénées

L’Ariège qui fut sa première destination, dont il tire substance pour son Traité sur les mines de fer et les forges du comté de Foix  en 1886. Le sujet est bien représenté dans sa collection notamment par une série d’une soixantaine d’échantillons de manganèse des mines du Rancié dans la vallée de Vicdessos. Dans cette série, se trouve un manganate de calcium étudié plus tard par Alfred Lacroix, qui lui a donné le nom de Ranciéite. Figurent aussi une magnétite, une hématite rouge ou encore une goethite très recherchée. La sidérite, la pyrite, le quartz, la calcite ou l’aragonite viennent des profondeurs de la mine.  Des mines du Couserans dans la région d’Aulus restent galène, cérusite, anglésite, pyromorphite, malachite, smithsonite, etc…

Les Pyrénées centrales sont une autre grande source de la collection : Soum de la Piquette, Barèges, Pic du Midi… Quelques pièces maîtresses en témoignent : une série de silicates (cristaux d'Adulaire, d'Axinite et de Grenats par exemple) mais aussi une wernerite, une prehnite et une épidote, parmi les plus gros cristaux connus des Pyrénées. Et bien sûr, des échantillons des parties occidentales et orientales de la chaîne de montagne, attestent de l’envergure du terrain de recherche.

Rancieite, découverte à Sem, près de Vicdessos, en Ariège
Rancieite, découverte à Sem, près de Vicdessos, en Ariège - ©David Maugendre, Région Occitanie

 
Les Alpes




 

Des Alpes, tous les minéraux importants pour la fin du XVIIIe, sont dans la collection : du quartz du Saint-Gothard à la série d’argents des mines de Chalanches. Picot de Lapeyrouse reçoit par différents correspondants proches des gisements alpins (Milan, Vienne, Innsbruck, Ljubljana, ou encore Grenoble) des échantillons d'axinite, d'amiante, d'épidote, de sphène, de feldspath, de plomb, de mercure, de grenats, etc.
 

Quartz découvert au Saint Gothard
Quartz découvert au Saint Gothard - ©David Maugendre, Région Occitanie.
Saxe et Bohème
En Europe centrale, Jean de Charpentier (père) est devenu un ami de Picot de Lapeyrouse. Son fils, Jean, devient un disciple du naturaliste toulousain au début du XIXe siècle.
La collection est très bien pourvue en spécimens des mines de Saxe et de Bohème: fluor, spath, serpentines, cristaux de quartz, manganèse, "bleu de prusse natif", etc. Les filons d'argent de ces mines, aujourd'hui épuisés, étaient connus et recherchés: Picot de Lapeyrouse  a conservé une série d'argent, et notamment un magnifique argent natif "en houppe de cheveux". (Photo ci contre)
Argent natif trouvé à Freiberg en Saxe, Allemagne
Argent natif trouvé à Freiberg en Saxe, Allemagne - ©David Maugendre, Région Occitanie
Europe Centrale
Ignaz Von Born de Prague puis de Vienne, Franz von Enzenberg d’Innsbruck, ou encore le Baron Sigmund Zoïs de l’actuelle Slovénie sont des correspondants et des pourvoyeurs fidèles.
Haalite découverte à Hallstatt en Autriche
Haalite découverte à Hallstatt en Autriche - ©David Maugendre, Région Occitanie.
Europe du Nord
Les amis suédois de Picot de Lapeyrouse ne sont pas en reste, et envoient des minéraux des mines suédoises, mais aussi de Norvège, de Finlande, des îles Féroé, d'Islande ou même de Sibérie.
Ainsi, le Comte de Bielke, président des Mines, fait parvenir en 1786 des zéolites d'Islande et des Feroe, l'année suivante une caisse du même expéditeur contient un "mica hémisphérique" de Finlande, une "zéolite verte "d'Uto (île de la mer Baltique), et un béryl de Sibérie.
Grenat récolté à Dannémora en Suède
Grenat récolté à Dannémora en Suède - ©David Maugendre, Région Occitanie.
Grenat de Dannemora en Suède
Italie
Son ami Déodat Gratet de Dolomieu, et ses correspondants milanais, le comte de Castiglioni ou le Père Pini lui ont envoyé de nombreux échantillons d’Italie, de Sicile, de Corse, de l’île d’Elbe : soufres, zéolites, laves de l’Etna, grenats de Frascati, serpentine de l’Imbrunetta…
© SCECCP, UT3
© SCECCP, UT3

Jaspe de Sicile
© SCECCP, UT3