Publié le 18 septembre 2020 Mis à jour le 18 septembre 2020

La reconsolidation de la mémoire est un processus qui régularise la manière dont le cerveau appelle, sauvegarde de nouveau, voire modifie des souvenirs existants. Dans un travail récent publié dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une équipe franco argentine dirigée par le Dr. Diego Moncada a analysé les mécanismes moléculaires de ce processus de reconsolidation et découvert comment on peut l’améliorer ou interférer avec lui. Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une coopération existante entre le laboratoire de neurobiologie de la mémoire de la Faculté de Médecine de l’Université de Buenos Aires et Martin Giurfa, Professeur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier, Centre de recherches sur la cognition animale (CRCA - CNRS / UT3 Paul Sabatier).

Le rappel des mémoires stockées dans le cerveau est un processus complexe qui peut mener à leur modification. Ainsi, nous pouvons, imperceptiblement, modifier les souvenirs lors de leur rappel, les fragiliser ou les confirmer. Ces phénomènes sont liés à ce qu’on appelle en neurosciences la reconsolidation de la mémoire, c’est-à-dire le processus qui rend les mémoires évoquées transitoirement fragiles et qui les consolide par la suite à nouveau dans un état qui peut être identique ou diffèrent de celui existant à l’origine.

Les travaux publiés montrent que l’évocation de la mémoire chez le rongeur induit la formation d’une « étiquette » dans les neurones concernés (c’est-à-dire, des changements moléculaires locaux au niveau des synapses) à laquelle viendront s’unir des protéines afin de stabiliser le souvenir de nouveau. Ainsi, le souvenir sera reconsolidé. Néanmoins, les travaux de l’équipe franco-argentine montrent aussi que des évènements adjacents à l’évocation du souvenir peuvent interférer, voire améliorer le processus de reconsolidation.

Les évènements ayant lieu autour de nous lors du rappel des mémoires ont donc une importance significative. S’il s’agit d’évènements marquants, ils peuvent eux-mêmes impacter les protéines qui s’uniront à l’étiquette neuronale, et améliorer la reconsolidation. Ainsi, si lors du rappel, on injecte un bloqueur de synthèse protéique dans la région cérébrale concernée par le rappel, les protéines qui auraient dû stabiliser l’étiquette neuronales seront absentes et le souvenir sera perdu dans le temps. Or, si dans cette même condition on place près du moment du rappel un évènement marquant (dans le cas du rongeur, explorer, par exemple, une arène circulaire inconnue), cette expérience adjacente induira par elle-même la synthèse de protéines qui viendront surmonter l’effet négatif du bloqueur injecté. Le souvenir sera donc reconsolidé et maintenu dans le temps malgré l’effet négatif du bloqueur de synthèse protéique.

Ainsi les évènements ayant lieu près du moment où nous évoquons des souvenirs peuvent avoir une importance capitale pour la reconsolidation de la mémoire.

Ces résultats ont un potentiel thérapeutique non négligeable. Si les souvenirs que nous gardons sont liés à des expériences aversives, voire traumatiques, les évoquer conduira à leur reconsolidation et au fait de revivre cette expérience de façon répétée. Interférer avec les processus menant soit à la création de l’étiquette neuronale, soit avec la synthèse protéique permettrait d’inhiber la reconsolidation et donc le maintien de ce type de souvenir.
 

Rat entraîné dans une tâche de "inhibitory avoidance" : le rat se souvient que descendre de la plateforme dans laquelle il se trouve sera suivi d'un léger choc électrique et évite donc la grille métallique. C'est ce souvenir qui va etre ou non reconsolidé selon le traitement appliqué ©Diego Moncada, Université de Buenos Aires

Référence :
Iván Rabinovich Orlandi, Camila L. Fullio, Matías Nicolás Schroeder, Martin Giurfa, Fabricio Ballarini, Diego Moncada (2020) Behavioral tagging underlies memory reconsolidation. Proceedings of the National Academy of Sciences Jul 2020, 117 (30) 18029-18036; DOI: 10.1073/pnas.2009517117