Le destin de notre galaxie vient de prendre un tournant inattendu. Une étude internationale impliquant les universités de Toulouse, d’Helsinki et de Durham, rebat les cartes. Contrairement aux précédentes prédictions, la collision entre la Voie lactée et l’une de ses plus proches voisines, Andromède, est loin d’être une certitude. Les résultats, publiés le 2 juin dans Nature Astronomy, indiquent qu’elle n’aurait que 52 % de probabilité de se produire d’ici 10 milliards d’années.
Depuis 2012, l’idée d’une collision entre notre galaxie, la Voie lactée, et celle d’Andromède dans un horizon à 4,5 milliards d’années fait consensus dans la communauté scientifique. « La fusion entre les deux galaxies est tellement admise par le grand public aujourd'hui qu'on la retrouve partout, des ouvrages de vulgarisation aux livres pour enfants », commente Jehanne Delhomelle, co-autrice de l’étude et étudiante en master sciences de l’univers et technologies spatiales à l’Université de Toulouse. Pourtant, cette certitude semble désormais remise en question.
A partir des données des télescopes Hubble de la NASA et Gaia de l’Agence spatiale européenne (ESA), les scientifiques ont simulé l’évolution de quatre galaxies pour les prochaines 10 milliards années : la nôtre, Andromède, mais aussi la galaxie du Triangle et le Grand Nuage de Magellan. Le résultat des 100 000 simulations est clair : seulement un peu plus de la moitié aboutit à une fusion entre la Voie lactée et Andromède. Dans les autres cas, elles se croisent, s’influencent, mais poursuivent leur route sans s’assembler.
Pour Till Sawala, chercheur à l’Université d’Helsinki et premier auteur de l’étude, « ces résultats radicalement différents s’expliquent par deux choix décisifs. D’abord, nous avons pris en compte le Grand Nuage de Magellan, le satellite le plus massif de la Voie lactée, dont la force gravitationnelle perturbe sa trajectoire. Ensuite, nous avons simulé des milliers de scénarios au lieu de ne considérer que les valeurs moyennes, ce qui nous permet de mieux intégrer les incertitudes actuelles sur les différentes données. »
Légende - Trajectoires sur 50 simulations de la Voie lactée et d'Andromède, ainsi que celles du Grand Nuage de Magellan (GNM) et de la galaxie du Triangle (M33). En rouge : les trajectoires où la Voie lactée et Andromède fusionnent. En bleu : où elles s’esquivent. Crédit : Till Sawala, Université d’Helsinki.
Autrement dit, les précédentes prévisions n’étaient pas erronées : elles se basaient sur des hypothèses plus limitées. En élargissant l’éventail des paramètres, l’équipe découvre un futur possible beaucoup plus diversifié. Si la Voie lactée et Andromède devaient fusionner, ce qui est loin d’être une certitude, la date la plus probable serait dans 7 à 8 milliards d’années, bien plus tard que ce qui avait été prédit précédemment. « En réalité, c'est cela qui fait la beauté de la recherche scientifique », souligne Jehanne Delhomelle. « N'importe quel résultat, même largement admis, doit toujours être questionné. Nous devons toujours garder les yeux ouverts sur les nouvelles pistes qui s'offrent à nous, même si elles peuvent sembler surprenantes au premier regard. »
Et ce n’est que le début. Des mesures encore plus précises des mouvements propres des galaxies devraient bientôt être livrées par le télescope Gaia. L’équipe prépare déjà une nouvelle série de simulations intégrant des modèles physiques encore plus sophistiqués avec l’objectif de proposer la prédiction la plus précise à ce jour pour notre galaxie.
Pour Jehanne Delhomelle, cette recherche a été une révélation personnelle : « Pour être honnête, j’ai été la première surprise par les résultats, à tel point que je pensais m’être trompée ! Le scénario de la fusion était tellement admis que je ne pouvais pas le remettre en question. » Cette étude, qui était le sujet de son stage de parcours spécial physique à Helsinki, a pris une ampleur inattendue.
Je suis fière et reconnaissante d’avoir pu y contribuer, et j’encourage vivement les étudiants et étudiantes à tenter l’aventure du stage dès que possible. Il faut oser sortir de sa zone de confort, même si ça peut paraître effrayant. Si ça se trouve, de nouveaux résultats se cachent sous leurs yeux et n'attendent qu'à être découverts.
Référence : No certainty of a Milky Way–Andromeda collision
Till Sawala, Jehanne Delhomelle, Alis J. Deason, Carlos S. Frenk, Jenni Häkkinen, Peter H. Johansson, Atte Keitaanranta, Alexander Rawlings, Ruby Wright. Nature astronomy, juin 2025