Publié le 15 janvier 2020 Mis à jour le 17 janvier 2020

Utilisée depuis plus d’un siècle pour traiter les troubles gastro-intestinaux, la bactérie Escherichia coli (E. coli) « Nissle 1917 » est un incontournable en matière de probiotique. Néanmoins, cette bactérie produit une toxine, la colibactine, qui casse l’ADN des cellules et pourrait induire le cancer colorectal. Il est donc essentiel de mieux comprendre son fonctionnement afin de minimiser au mieux ses effets secondaires. Des chercheurs de l’Inra, de l’Inserm, de l’Université de Toulouse III – Paul Sabatier et de l’ENVT ont réussi à mieux comprendre la synthèse des « bonnes » et « mauvaises » molécules chez « Nissle 1917 » et ainsi à créer une nouvelle souche incapable de produire la toxine tout en gardant ses propriétés probiotiques. Les travaux ont été publiés le 23 septembre 2019 dans la revue PLoS Pathogens.

Escherichia coli (E. coli) « Nissle 1917 » a été utilisée pour la première fois par un médecin allemand durant la Première Guerre mondiale. Au sein d’un groupe de soldats souffrant de dysenterie, un seul n’était pas malade. Le médecin a isolé la bactérie chez ce soldat et l’a utilisée pour traiter les autres soldats. Depuis, « Nissle 1917 » est utilisée comme probiotique pour traiter différents troubles gastro-intestinaux.

C’est en 2006 que des chercheurs de l’Inra, de l’Inserm, de l’Université de Toulouse III – Paul Sabatier et de l’ENVT ont mis en évidence la présence dans le génome de « Nissle 1917 » d’un groupe de gènes qui fonctionnent ensemble pour produire une toxine, la colibactine. Chez certaines souches de E. coli, la colibactine a été caractérisée comme étant un facteur de virulence et pouvant promouvoir le cancer du côlon. Les études précédentes n’avaient jamais réussi à séparer l’activité probiotique de l’activité toxinogène. Il était donc nécessaire de mieux comprendre les mécanismes de synthèse des « bonnes » molécules produites par la bactérie, qui lui confère son rôle de probiotique, mais également ceux de la synthèse des « mauvaises » molécules, ici la toxine colibactine.

Dans ces nouveaux travaux, cette même équipe a mis en évidence le rôle d’une protéine ClbP, qui active la colibactine et est aussi nécessaire à l’activité probiotique. Les chercheurs ont pu modifier une infime partie de la protéine et ainsi abolir sa fonction toxique tout en conservant son rôle probiotique. Des essais in vivo chez la souris ont permis de confirmer ces résultats. Les souris infectées par Salmonella typhimurium (un des agents responsables de la dysenterie) étaient protégées de la salmonellose quand elles étaient traitées concomitamment avec la souche de E. coli « Nissle 1917 » modifiée. Ces résultats sont semblables à ceux obtenus avec la souche sauvage de « Nissle 1917 ».

Cette étude montre l’importance d’étudier avec plus d’attention les bactéries utilisées comme probiotiques, qui comme tout médicament classique peuvent provoquer des effets secondaires. De plus, l’analyse génomique d’autres souches de E. coli montre l’existence naturelle de cette protéine modifiée, il reste maintenant à savoir si ces souches pourraient avoir un rôle probiotique.
 
Schéma expliquant la démarche expérimentale
© Inra, Eric Oswald

Voir en ligne sur le site de l'INRA.